Clément Janequin et Musique du XVIème siècle

The Troubadour

Au hasard d’une lecture à propos de François RABELAIS, Jean Marie Guérin1, a découvert, à Luçon, l’existence de Clément Janequin, un des musiciens les plus importants du XVI° siècle et considéré comme le maître de la chanson polyphonique de l’époque. Il est prêtre comme François Rabelais. Malgré un caractère bien trempé et une vie légèrement dissolue pour un prêtre, comme le suggère un document retrouvé dans les fonds du Parlement de Paris (Archives nationales) il reste au sein de l’église romaine 


Vie de Clément Janequin

Janequin serait né en 1485 à Châtellerault et mort à Paris en 1558 ; En 1505, Clément Janequin, jeune clerc de vingt ans, sert de témoin à Ladislas-Lancelot du Fau dans sa fonction d’abbé de Pleine Selve, puis à Saintes le 5 septembre 1505 et à Bordeaux en 1512. Clément suit partout Ladislas-Lancelot Du Fau, son protecteur. Janequin est dit clericus en 1505 (étudiant en prêtrise), puis maître en 1512 et prêtre en 1528, année d’édition de ses premières œuvres par Attaingnant, imprimeur libraire français, établi rue de la Harpe à Paris.

  • Ses compositions les plus connues sont :
  • La Guerre
  • Les cris de Paris
  • Le chant des oiseaux
  • La chasse

 Ladislas-Lancelot Du Fau, protecteur de Clément Janequin, est chanoine à Saintes et aussi à Luçon. Il deviendra évêque de Luçon en 1514, succédant à Pierre de Sacierges.

En 1507, Janequin est maître de la Psallette à Luçon : l’école des enfants de chœur, ceux qui chantent dans le chœur.

Le document publié en 2016 par Nancy Hachem2 et remarqué par Jean-Marie Guérin, concerne l’appel du doyen du chapitre de Luçon associé à Clément Janequin contre l’évêque de Luçon devant le parlement de Paris : justice laïque. Le doyen ou président du chapitre de Luçon, Mathurin de Dercé  et Clément Janequin sont insatisfaits des conclusions des tribunaux ecclésiastiques à leur égard .

Déroulement des faits

Le crime le plus caractéristique d’un clerc, dit-on en ce temps là, est «de chercher ribaude compagnie charnelle ».

 Clément Janequin, clerc, sous prétexte d’immoralité est  cité devant l’évêque. Il reconnait les faits, l’évêque (Pierre de Sacierges) le condamne, sous peine d’excommunication, de s’abstenir de. tout autre péché de cette nature. Il lui ordonne des jeûnes comme pénitence. Janequin ne fait pas appel et promet de s’abstenir.

Mais son penchant pour la gente féminine reprend le dessus et qui plus est,  au moment de Pâques. L’évêque est absent de Luçon, Clément Janequin va donc comparaître devant le président du chapitre à qui appartient la juridiction et la correction du dit Janequin. Ce dernier confesse son cas et est excommunié par le président. Il est également privé de la maitrise des enfants. Il ne fait pas appel et est envoyé directement en prison pour trois semaines. Il implore son pardon et le président voyant sa contrition le rétablit dans son vicariat mais pas dans la maitrise.

L’évêque rentre à Luçon. Bien qu’une affaire ne puisse être jugée deux fois, l’évêque le cite pour les mêmes motifs.  Janequin absent ne peut se rendre à cette convocation. Il est donc réputé en fuite, est excommunié et de nouveau cité pour son procès. Malgré sa récente condamnation par le président du chapitre , il écope d’une nouvelle peine.

Janequin fait appel à Bordeaux mais il est alors emprisonné pendant 10 jours. Une demande de modération de peine est acceptée

Janequin fait appel devant un tribunal laïc qui ne peut le recevoir puisque le jugement s’est fait devant un tribunal ecclésiastique. Pour lui, l’appel est recevable Il va donc faire appel devant la cour du Parlement de Paris qui est la seule apte à interpréter et à définir “l’absence en dehors de la ville” .

Mathurin Dercé, président du chapitre , fait appel également devant la même juridiction  pour prouver son pouvoir de juger lors de l’absence de l’évêque bien qu’il ne soit pas prêtre.

La cour de Paris rendra son arrêt sans contredits

En 1523, après la mort de Ladislas-Lancelot Du Fau évêque de Luçon, c’est Jean de Foix, archevêque de Bordeaux, qui protège Janequin. Il devient chanoine de Saint Emilion, procureur des âmes à Bordeaux c’est à dire chargé des messes anniversaires. Il a aussi en charge la cure de Saint Michel de Rieufret qu’il délègue comme à son habitude à un vicaire.

Après la défaite de Pavie, François 1er revient de captivité en 1526, en laissant ses enfants otages en Espagne. Début avril, le roi passe à Bordeaux où son ami d’enfance Philippe de Chabot, maire, le reçoit dans le luxe. Chabot succède à son beau-frère Bertrand d’Estissac, frère de Geoffroy d’Estissac évêque de Maillezais. Le roi se dirige vers la cathédrale Saint André et à chaque carrefour retentissent chants et musiques. L’archevêque Jean de Foix reçoit le Roi à la porte de la cathédrale et ce dernier, le complimente.

 A la mort de Jean de Foix, en 1529, les charges de Janequin lui sont retirées. C’est un avocat au parlement de Bordeaux, Bernard de Lahet, d’origine basque, qui devient protecteur de Janequin. Il devient diacre de Garosse et curé de Mézos.

En 1530, seconde entrée du roi à Bordeaux après son mariage avec Eléonore et le retour des enfants de France. Mêmes scènes de liesse du peuple lors de cette visite car de nombreuses barriques sont mises en perce. Tout au long du parcours, on y joue des Mystères, (genre théâtral de l’époque) et des musiciens accompagnent le cortège. On attribue la composition de « chantons sonnez trompettes » à Clément Janequin présent à cet événement.

Janequin confie toutes ses charges à un vicaire. Comme il est très procédurier, ses procès sont parfois très coûteux. En bon disciple de Josquin des Prés, Janequin se plaint que « Faute d’argent c’est douleur sans pareille » alors qu’il jouit d’un revenu de 350 livres tournois par an.

En 1531, il est maître des enfants à la cathédrale d’Auch, mais ce poste fut éphémère. On le retrouve à Angers en 1534 où réside son frère. Il est alors maître des enfants de chœur de la cathédrale. En août 1548, il figure également sur un acte en tant que curé d’Unverre en Eure et loir

Après des conflits avec son frère Simon, il s’installe à Paris en 1549, rue de la Sorbonne. On suppose qu’il s’active dans l’entourage du cardinal Jean III de Lorraine, de François de Guise ou d’autres notables fréquentant la Cour. Il ne fera jamais partie des trois formations au service du roi : l’écurie, la chambre et la chapelle. En 1555, il réside rue neuve Saint Sulpice et signe pourtant un acte comme « chantre ordinaire de la Chapelle du roi » occupation qui était sans doute honorifique car il avait déjà 70 ans. Janequin meurt à Paris en 1558, après avoir rédigé un testament où il se dit « compositeur ordinaire en musique pour le Roi » là encore un titre qui se rapporte plus à une dignité qu’à un emploi réel.

Interprétation de sa musique

On peut trouver les musiques de Clément Janequin sur YouTube. Pendant la conférence quatre chansons de Janequin ont été interprétées par Rémy Arnaud au luth, Françoise Arnoux, Isabelle Charpentreau, Henri Chauveau et Louis-Marie Pasquier. L’ensemble vocal « Clément Janequin » diffuse sa musique depuis 1978. Une interview de Dominique Visse son fondateur exprime parfaitement l’ambiance de l’époque : « Ce sont des chansons très hautes en couleur et très riches du point de vue musical. Elles correspondent à une époque où les gens étaient libres de parler de tout, comme ils l’ont rarement été dans l’histoire. C’est l’époque du naturalisme : on représente l’homme tel qu’il est, comme il mange, comme il fait l’amour… Les mêmes musiciens peuvent composer des œuvres religieuses et des chansons érotiques… Notre travail, c’est de faire entendre leurs textes, alors que leur compréhension peut être brouillée par la complexité avec laquelle les voix se répondent et s’entremêlent. On peut faire ressortir plus particulièrement une voix On articule beaucoup plus. On théâtralise les morceaux. On utilise plus de nuances. Jusqu’à jouer sur les onomatopées, à être à la limite du cri. On trouvait que notre répertoire sonnait bien comme ça. Plus tard on est tombé sur une lettre de Josquin des Prés prouvant que c’était bien la façon dont on chantait ses compositions à l’époque “.

  1. Merci à Jean-Marie et Mary Guérin pour toutes ces recherches et la restitution qu’ils nous en ont fait en accompagnant, leurs propos de musique et des chants interprétés par nos cinq musiciens. ↩︎
  2. Nancy Hachem, (Docteure en musicologie – Sorbonne Université) a soutenu sa thèse intitulée “La vie musicale dans les archives du Parlement de Paris au XVIe siècle” le 11 décembre 2020.
    Expériences professionnelles
    Secrétaire de la Société française de musicologie (2019-2023)
    Chargée de cours à l’université de Rouen.
    Gestionnaire de l’Institut de Recherche en Musicologie (2021-2022) ↩︎

3 Commentaires sur “Clément Janequin et Musique du XVIème siècle

  1. jean-marie guérin says:

    Je recommande la lecture du “Tout Rabelais” édité chez Mollat, collection bouquins, en 2022 sous la direction de Romain Ménini. Cette édition comprend le texte original et en face la transcription en français actuel. Le second texte utilisé pour cette conférence est sur le site openedition books de la Sorbonne, Chapitre 7. Se montrer le candidat idéal devant la justice d’où j’ai extrait ce qui concerne Luçon : https://books.openedition.org/psorbonne/12420?lang=fr

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